Alors que Donald Trump continue de promouvoir sa vision « Make America Great Again », un constat s’impose : gouverner un État ne peut se réduire à gérer une entreprise. Cette idée, souvent avancée dans les discours populistes ou libéraux, se heurte à la réalité institutionnelle, sociale et géopolitique d’un pays complexe comme les États-Unis.
Une vision entrepreneuriale du pouvoir politique
Depuis son arrivée sur la scène politique, Donald Trump s’est présenté comme un outsider capable d’« administrer » l’Amérique avec la même efficacité qu’un PDG. À travers sa doctrine MAGA, il défend des intérêts jugés nationaux en s’attaquant frontalement aux multinationales, aux institutions fédérales, et aux accords internationaux jugés défavorables aux travailleurs américains.
Dans les faits, il exige des géants du numérique loyauté envers l’État, tout en menaçant de sanctions douanières les entreprises qui délocalisent leur production. L’objectif affiché : relocaliser la production pour rapprocher l’économie des citoyens-électeurs. En résumé, aligner l’espace économique sur l’espace politique.
Endettement public et suspicion envers l’État fédéral
Un autre axe majeur de sa politique consiste à dénoncer l’endettement massif des États-Unis – qui frôle les 120 % du PIB. Pour les partisans de cette ligne dure, l’État fédéral fonctionnerait comme un « État profond » : une machinerie administrative déconnectée, accusée de distribuer subventions et prestations sociales au détriment de la rigueur budgétaire.
Ce rejet de la dépense publique repose souvent sur une vision libertarienne : moins d’État, plus d’autonomie pour les individus et les entreprises. Mais cette stratégie, si elle séduit une partie de l’électorat, pose une question centrale rarement posée de manière frontale dans le débat public.
L’État face à un capitalisme mondialisé
Peut-on réellement gouverner un pays comme une entreprise alors que le capitalisme contemporain est de plus en plus globalisé, digitalisé et financiarisé ? À cette question, la politique MAGA tente de répondre par la force, voire l’autoritarisme, à l’image du modèle chinois souvent cité comme exemple d’efficacité.
Mais cette posture soulève un paradoxe : si les États souhaitent restaurer leur souveraineté, ils doivent affronter trois dynamiques profondément enracinées dans l’économie mondiale :
- La financiarisation, qui a rendu les citoyens dépendants des marchés (ex. : retraites indexées sur les performances boursières).
- La digitalisation, qui a transféré les centres de décision économique vers des plateformes technologiques globales.
- La sociétalisation, qui a déplacé les lieux d’expression politique vers les réseaux sociaux, au détriment des institutions démocratiques classiques.
Une stratégie risquée et des marchés sur le qui-vive
L’un des effets secondaires de cette stratégie politique réside dans l’incertitude qu’elle génère. Les marchés, sensibles à toute instabilité, réagissent parfois violemment aux décisions ou annonces perçues comme brutales ou improvisées. Car contrairement à une entreprise, un État ne peut pas être restructuré du jour au lendemain, ni faire faillite ou licencier des citoyens.
Si les intentions affichées visent à renforcer la souveraineté, la méthode laisse planer le doute : la démocratie peut-elle réellement cohabiter avec une gouvernance de type managérial ? Et surtout, la défense de l’intérêt général peut-elle se construire sur la promotion systématique d’intérêts particuliers ?
Conclusion : gouverner, ce n’est pas gérer
L’expérience Trump rappelle une leçon fondamentale : un État ne peut se penser uniquement en termes de performance, de compétitivité ou de rentabilité. L’économie, la société et les institutions forment un tout complexe, traversé par des rapports de force, des logiques historiques et des aspirations collectives. Réduire cette complexité à une gestion d’entreprise revient à nier la nature même du politique.
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